Histoire des Sintés / Manouches

Les Sintés ne sont pas des Roms. Les Sintés sont une minorité ethnique indépendante. Dans les régions francophones, on les appellent aussi les Manouches.

L’appellation “Sintés” vient de Sindh, nom d’une province indienne. Les chercheurs reconnaissent unanimement  l'origine indienne des Sintés.


Les linguistes confirme que la langue des Sintés est proche du sanskrit et qu'elle s'est enrichie, au cours de leurs voyages de mots empruntés aux vocabulaires des pays traversés.

Contrairement aux fausses idées qui circulent, les Sintés ne parlent pas le romanès, ils parlent le romnes (aussi romenes ou manouche). Les Roms parlent le romanès. Bien que les deux langues soient d’origine hindoue, elles sont différentes. Le fait de confondre le romanès et le romnes serait comparable au fait de confondre le romain du roumain, ou le latin du ladin, ou même de confondre les romands, les romains, les roumains et les romanches.

Autre comparaison, nous ne pouvons pas écrire que les Espagnols sont descendants des Italiens, car ils parlent une langue latine? Les Italiens n’existaient même pas, lorsque le peuple espagnol a vu le jour. Ce sont les Romains qui ont apporté la langue latine en Espagne, et non les Italiens. Il en va de même avec les Sintés.

Les Sintés et les Roms sont deux peuples distincts, ni l’un ni l’autre n’est descendant de l’un ou de l’autre. Ces deux peuples ont chacun évolué de leur coté.


On ne connaît pas les raisons qui ont déterminé le départ des Sintés de l'Inde vers le 9ème et 10ème siècle. Leurs premières migrations les ont conduits du nord de l'Indus, fleuve connu dans l’antiquité sous le nom de Sindh, vers l'Iran, la Grèce et l'Europe via l'Empire byzantin.

C’est au 14ème et 15ème siècle que les Sintés arrivèrent en Europe centrale.

Selon une note datant du 20 septembre 1407, l'évêché de Hildesheim reçut des invités insolites : des "Tatars" (aucun rapport avec les Mongols, mais les gens de la ville les avaient pris pour des Tatars). Alors qu’on vérifiaient leurs papiers dans la salle d'écriture, on leur servit pour une demi-pinte de vin - la demi-pinte était une unité monétaire courante à l'époque. L'événement est noté dans les "comptes de la chambre des finances" de la ville. Cette note est la première mention documentant des Sintés en Allemagne.


Johannes von Müller rapporta qu’un campement de Tsiganes stationnait le premier août 1418 aux portes de Zürich. Ces Tsiganes étaient foncés de peau et portaient peu de vêtements, ils étaient parés d’or et de pierres précieuses.

Ils circulaient avec des laissez-passer que leur avaient délivré les plus hauts pouvoirs politiques et religieux.


Le 22 août 1419 les Sintés furent signalés pour la première fois en France à Châtillon-sur-Chalaronne, au pays de Bresse.

Les notables de la ville mentionnèrent dans un livre de comptes du syndic l’accueil de “Sarrasins” (aucun rapport avec les Arabes, mais les gens de la ville les avaient pris pour des Sarrasins). ces arrivants – qui étaient conduits par le « noble Nycola » et dont on ignore d’où ils venaient – circulaient avec des lettres de protection de l’Empereur et du duc de Savoie. La municipalité leur avait versé six florins.


Le 15ème siècle est qualifié de "siècle d'or des Sintés en Europe", puisque les Sintés étaient reçus par des aristocrates, obtenaient des sauf-conduits de protection, bénéficiaient de différents privilèges.

Les seigneurs avaient l’obligation de les accueillir et de leur donner de l’argent.


L'un de ces sauf-conduits de protection est une véritable pièce de conviction en ce qui concerne le séjour des Sintés sur le territoire tchèque.

Il fut édité, le 17 avril 1423 au Château de Spis, par Sigismond, empereur romain et roi tchèque. Il est dit dans le texte de ce sauf-conduit qui fut conservé jusqu'à nos jours:

"Nous, Sigismond, auguste roi romain, par la grâce de Dieu, roi de la Hongrie, de la Bohémie, de la Dalmatie, de la Croatie... hongrois, tchèque, dalatien, croate… Nous saluons à l'avance gracieusement tous nos nobles fidèles, de l'armée, des commandants, des officiels, des châteaux, des campagnes, des villes et leurs juges dans notre royaume et dans notre royaume et dans notre seigneurie.  

Nos fidèles, Ladislas, le voïvode des tsiganes, ainsi que d'autres qui lui appartenaient, nous a loyalement fait une demande, nous désirons leur montrer notre grande miséricorde. Par conséquent, nous avons voulu leur  accorder cette liberté.

Or, si Ladislav le voïvode et son peuple apparaissent à un quelconque endroit de notre empire, en ville ou à la campagne, vous êtes prié de lui faire preuve de la même fidélité que vous avez à notre égard. Protégez-les pour que Ladislav le voïvode et son peuple puissent séjourner sans préjudice entre vos murs. S'il y a parmi eux un ivrogne ou un bagarreur, nous voulons et ordonnons que Ladislav le voïvode soit le seul à avoir le droit de juger, de punir, de pardonner, et de l'exclure de votre cercle..."


Les Sintés ont emmené ce sauf-conduit en France. Et comme il fut édité en Bohême, les français appelaient les nouveaux venus, les Bohémiens.


C’est à la fin du 15ème siècle et au début du 16ème siècle que les autorités décident que les sauf-conduits ne sont plus valides, les Sintés perdent alors leurs privilèges.

Cette décision marquent le début d’une longue persécution, 600 ans d’exclusion et de discrimination.

Les Sintés furent souvent déclarés hors-la-loi, et chacun pouvait les chasser, les fouetter, les enfermer et les tuer. Paradoxalement, la population les appréciaient pour leur musique et pour les services que proposaient leur métiers itinérants.


Lors de la deuxième guerre mondiale (1939-1945), le régime nazi tenta d’éradiquer complètement les Sintés en tant que groupe ethnique, ce fut le point culminant de 600 ans de persécution. Ensuite, le génocide des Sintés fut nié pendant des décennies. Ce n'est qu'en 1982 que le chancelier Helmut Schmidt reconnu l'injustice qu'ils avaient subie. Les Sintés sont reconnus en tant que minorité nationale dans plusieurs pays européens, mais pas toujours en tant que minorité indépendante, ils sont souvent reconnus à tort en tant que sous-groupes des Roms.

Des activistes Sintés travaillent depuis des années pour que les Sintés soient reconnus en tant que groupe ethnique indépendant et en tant que minorité nationale. Malheureusement, les politiciens ne réagissent pas et les préoccupations des Sintés restent encore et toujours ignorées. Peu de politiciens et peu de spécialistes soulignent que les Sintés et les Roms se considèrent comme deux groupes ethniques différents.

Aujourd'hui encore, les Sintés sont souvent associés au Roms. Les environnements des Sintés et des Roms sont très différents, car ils n’ont pas la même histoire, ni la même origine géographique, ni les mêmes valeurs, ni les mêmes lois, leurs cultures sont très différentes. Par-dessus tout, les cultures, les coutumes, les traditions et leurs langues sont très différentes les unes des autres. Dans la vie quotidienne, il n'y a pratiquement aucun contact entre les Sintés et les Roms.


Les Sintés ont dû accepter des appellations étrangères pendant 600 ans, on les nommait les Égyptiens, les Sarrasins, les Tatars. Les Sintés se nomment par leur propre nom. Beaucoup d'entre eux utilisent le terme Tsiganes pour la société majoritaire. Tant que ce mot est utilisé de façon neutre sur le plan des valeurs, cela ne les dérange pas.

Cependant, les Sintés ne se nomment jamais Roms, tout comme les Roms ne se nomment pas Sintés. Les Sintés du monde entier refusent par dessus tout d'être qualifiés en tant que sous-groupe des Roms.

Cette amalgame est injuste envers la communauté des Sintés ainsi qu’envers la communauté des Roms. Les politiciens et les spécialistes prétendent stéréotypiquement que les Sintés et les Roms constituent une minorité ethnique uniforme, ceci est incompréhensible et intolérable pour les Sintés. Cela rend la différenciation très compliquée.

Pendant l'Holocauste en Allemagne, les Sintés allemands ont été persécutés. Il y avait relativement peu de Roms allemands à l'époque. Lors de leur génocide, les Sintés ont perdu une grande partie de leur identité culturelle. Ce fut surtout les Sintés plus âgés qui moururent et les quelques personnes qui sont rentrées des camps de concentration étaient tellement traumatisées qu'elles ne pouvaient pas transmettre suffisamment de coutumes et de traditions culturelles à leurs descendants. Il ne faut pas oublier que pendant la Première Guerre mondiale et au début de la Seconde Guerre mondiale, les Sintés ont aidé à défendre leur patrie et ont été enrôlés pour le service militaire. Le fait d’avoir été trahis par leurs propres compatriotes, par leur propre nation, a été particulièrement traumatisant. Ce traumatisme est ancré dans la mémoire des générations futures.

Le nom SINTÉS fait partie de l'identité culturelle de chaque membre Sinto et inclut l'appartenance à une minorité ethnique indépendante. Les Sintés ne veulent pas perdre leur identité culturelle. C'est pourquoi les Sintés attachent une grande importance à ce que leur nom soit vu et respecté par le public, en particulier par les médias et la politique.

Les Sintés sont établis depuis 600 ans en Europe, et ils doivent toujours se défendre contre les préjugés et le racisme, ils souhaitent être mieux acceptés et reconnus dans la société majoritaire.


Les Sintés ne sont pas d'accord que le terme Rom soit utilisé en tant que terme générique qui devrait être utilisé pour désigner tous les autres peuples nomades. Les Sintés sont une minorité indépendante avec sa propre langue, sa propre culture, ses propres lois, par exemple, les lois et les coutumes manouches liées au mariage diffèrent complètement des lois et coutumes roms liées au mariage, les lois internes sont également différentes. Les Sintés ne sont pas des Roms, par conséquent, ils ne peuvent pas être considérés comme des Roms, ni en tant que descendants de Roms. Le Sintés sont arrivés de l'Inde en Europe pendant le Moyen-Âge. Les Roms sont seulement arrivés au cours du 20e siècle, ils ont migrés du bloc de l'Est en Europe. Ils sont aussi originaire de l'Inde, mais la tradition dit que les Sintés viennent de la province de Sindh (Pakistan) ou de la vallée du fleuve Indus, et que les Roms viennent du Rajasthan. Les Sintés et les Roms sont les descendants de Tsiganes qui ont émigrés en Europe. Les Sintés ne sont pas descendants de Roms. Les Roms et les Sintés sont deux peuples distincts qui ont chacun évolué de leur coté. Les Sintés et les Roms sont deux minorités très différentes, ce fait doit être reconnu et respecté.